L’apprentissage, ça n’est pas que de la théorie, c’est aussi beaucoup de pratique. C’est pour cela qu’aujourd’hui, j’ai voulu discuter avec Mélanie Collon, professeure des écoles aux multiples talents et à la curiosité sans limite. Nous avons parlé de la joie d’apprendre, d’outils, d'échecs et de bienveillance. J’espère que ce format vous plaira !
Mélanie se connecte, le sourire aux lèvres, les yeux qui brillent : l’apprentissage est un sujet qui la passionne et qu’elle a envie de partager. C’est une femme à la joie de vivre communicative, qui pétille et qui inspire.
Aujourd’hui, Mélanie travaille dans un Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique (ITEP), où elle enseigne à des élèves ayant entre 13 et 15 ans. Là-bas, les élèves ont des troubles du comportement qui rendent l’école traditionnelle difficile pour eux. En plus du pôle éducatif, cet institut inclut un pôle thérapeutique avec des psychiatres, des psychologues, des orthophonistes, des musicothérapeutes, des infirmières, des psychomotriciens… Toute l’aide nécessaire pour aider les élèves dans leur apprentissage. Mélanie enseigne à l’ITEP depuis presque trois ans, et elle est très heureuse d’y travailler avec des gens qui œuvrent dans une même direction. Dans sa classe, elle travaille avec l'aide de Vincent, un éducateur spécialisé, avec qui elle guide les élèves sur un parcours professionalisant.
Convaincue qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’apprendre, Mélanie a fondé sa micro-entreprise en 2017 : Abracad’Apprendre. Sous forme d’ateliers et de publications sur les réseaux sociaux, Mélanie partage de nouveaux outils pour l’apprentissage. Elle se concentre particulièrement sur les outils de pensée visuelle. Ce sont des outils sur lesquels elle se forme constamment, et qu’elle utilise et raffine au quotidien avec ses élèves, quand ils le veulent bien : "Ce sont des ados donc ils râlent tout le temps et disent beaucoup de gros mots."
Notamment, le mind mapping est un outil pour organiser ses pensées et ses connaissances autour d’un sujet. Cet outil fonctionne particulièrement bien avec les enfants qui ont besoin de ranger ce qu’ils apprennent de façon claire. En partant d’un sujet central, les enfants apprennent à le décomposer en différentes idées, organisées autour de différents thèmes.
Mélanie aime aussi utiliser le sketchnoting : une technique de prise de notes qui mêle écriture et dessins ou pictogrammes. Mélanie insiste, le sketchnoting n’est pas de la facilitation graphique comme on peut le voir en conférence : l’objectif n’est pas que tout le monde comprenne, mais de noter les choses dans son langage personnel, afin d’obtenir un résultat facile à comprendre et à assimiler par soi-même. Avec cet outil, les élèves s’approprient le sujet dans le langage qui leur parle le plus. De plus, la dimension créative et picturale de ces outils est particulièrement importante pour les élèves de Mélanie : bien souvent, ces élèves ont un blocage par rapport aux activités qui leurs rappellent trop l’école traditionnelle, comme l’écriture.
Mais l’outil de prédilection de Mélanie reste le Bullet Journal. C’est un outil qui la suit partout, son “deuxième cerveau”, comme elle aime l’appeler. Dedans, elle organise ses tâches, elle prépare ses prochaines chansons, elle se fixe des objectifs… C’est un outil qu’elle aborde avec créativité et qu’elle juge indispensable. Tous les lundis, avec ses élèves, elle complète la page de la semaine, sur laquelle chacun se fixe un objectif. Elle fait attention en particulier à ce que chacun choisisse un but précis et réaliste. Comme elle leur explique, pour certains sportifs, un objectif de l’année peut être de battre un certain temps au marathon. Mais pour elle, un objectif plus raisonnable serait simplement de terminer un semi-marathon. L’objectif doit prendre en compte le point de départ de chacun.
De plus, Mélanie invite ses élèves à écrire des pages “plaisirs” où ils écrivent les traits de personnalité qu’ils aiment chez eux. C’est un exercice très difficile pour ces élèves qui manquent beaucoup de confiance en eux, mais d’autant plus nécessaire. Comme Mélanie l'explique : "Pour mes élèves, c’est plus difficile, ils pensent qu’ils sont nuls en tout. Mais quand je commence à les connaître je peux leur dire 'Arrête tu as réussi ça !'. Il faut tout le temps mettre le positif en avant." Ces pages sont donc purement positives, elles font l’inventaire de commentaires gentils qu’ils ont reçus de leur proches, des choses positives qui leur sont arrivées, et de ce qu’ils ont accompli.
Mélanie ne saurait rester rangée dans une boîte, elle est constamment en train de découvrir et d’essayer de nouvelles façons d’enseigner. Selon elle, bien qu’il soit possible d’apprendre en restant assis sur une chaise, il serait quand même bien dommage de se restreindre à cela. D’autres approches sont possibles : par exemple, accorder un temps pour aider les élèves à découvrir le mode d’apprentissage qui leur convient le mieux, leur donner l’occasion de faire des erreurs, ou leur permettre d’utiliser leurs corps pour apprendre. Toutes ces techniques sont bénéfiques pour les élèves et sont appuyées par les résultats de la recherche dans ce domaine [3, 4].
Mais Mélanie a bien conscience que ces nouvelles approches sont difficiles à mettre en œuvre dans la plupart des écoles où les classes peuvent compter jusqu’à 35 élèves. Des dizaines d’élèves qui ne viennent pas seulement pour apprendre, mais qui viennent aussi avec une personnalité propre, une histoire, des sentiments, des difficultés et des objectifs différents. Dans ce contexte, l’école joue un rôle social très important, comme nous l’avons tous remarqué pendant le confinement : l’école permet aux enfants de créer des liens et de communiquer avec des personnes du même âge, et d’apprendre les règles de communication et d’interaction. Enseigner, c’est bien plus que parler devant une classe, c’est un métier d’une importance capitale, qui demande énormément de travail, d’énergie et de patience, et qui est souvent mal reconnu.
Alors pour commencer, Mélanie essaie de toujours de se rappeler que le plus important, c’est la bienveillance à l’égard de ses élèves. Selon elle, apprendre est une fête, c’est un besoin primaire qui peut rendre les gens joyeux. Alors, n’arrêtez jamais d’apprendre...
xoxo,
The Diverter
Pour aller plus loin :
L’instagram d’Abracad'Apprendre : https://www.instagram.com/abracadapprendre/
Le blog de Philippe Boukobza : https://www.heuristiquement.com/
Mind mapping : https://www.mindmapping.com/
Sketch noting : https://sketchnoting.net/
Bullet Journal : https://bulletjournal.com/
Biesta, G., 2009. Good education in an age of measurement: On the need to reconnect with the question of purpose in education. Educational Assessment, Evaluation and Accountability (formerly: Journal of Personnel Evaluation in Education), 21(1), pp.33-46.
Feynman, R.P., 2005. The pleasure of finding things out: The best short works of Richard P. Feynman. Basic Books.
Références :
[1] http://learningfundamentals.com.au/
[2] https://kimberlyshrack.com/
[3] Notre article sur l’échec constructif : productive-failure
[4] Notre article sur l’embodiment : embodiment